Pourquoi et comment créer des ponts entre les communautés qui œuvrent dans le domaine du jeu vidéo?
Dans l’ensemble, la culture du jeu vidéo a toujours rejoint des individus de tous horizons. À différents moments de son histoire et dans certains contextes spécifiques, on remarque que le média semble s’adresser plus directement à certains groupes, malgré la diversité des individus et des intérêts. Le ciblage publicitaire vers un groupe précis se fait avant tout pour des raisons comptables. Dans certaines situations, il peut donner l’impression au groupe ciblé que sa place au sein de la culture ludique est plus naturelle, ou que l’exclusion vécue par certains groupes est exagérée. Dans certains cas encore, une division extrême peut d’installer : on veut protéger sa place, on caricature la perspective de l’autre, on remplace le dialogue par l’insulte.
Le milieu du jeu vidéo en Amérique du Nord connaît une recrudescence de ces dynamiques depuis une dizaine d’années. Certains gamers sont convaincus que des groupes jusqu’alors moins visibles sortent de nulle part et veulent tout changer. Or, les femmes, les personnes noires ou autochtones, neurodivergentes ou issues de la communauté LGBTQ+ ont toujours été présentes au sein de la culture ludique. Dans le contexte de clivage exacerbé par les médias sociaux, ces groupes peuvent rapidement devenir la cible de campagnes de haine. En parallèle, plusieurs studios vivent des situations extrêmement difficiles à l’interne : on ne sait pas très bien comment gérer un large spectre de comportements problématiques, qui vont de simples remarques déplacées à des agressions physiques.
Autant de clivage et de tension nourrissent un cercle vicieux : plus le milieu acquiert une réputation toxique, et plus les personnes issues de groupes marginalisés voudront s’éloigner ou quitter le navire. Le risque, pour la communauté, est immense : plus d’homogénéité, de stéréotypes, de clivage et de tensions. Et surtout, une perte d’expertise. Un milieu d’éducation ou de travail devient inévitablement plus innovant lorsqu’il facilite l’inclusion d’une plus grande diversité d’approches et de perspectives.
La bonne nouvelle, c’est que malgré les scandales trop fréquents dans ce secteur, les groupes visés n’ont pas encore quitté le navire. L’étude de Trépanier-Jobin (voir la page « portrait statistique ») démontre que les femmes et les groupes marginalisés ont toujours un attachement très fort à la culture ludique, et veulent faire partie de la solution malgré les défis. Diversité en jeu veut aider l’ensemble du secteur à interférer avec le cercle vicieux décrit plus haut.
Première étape : il faut qu’on se parle et, dans certains cas, il faut apprendre à se parler respectueusement. Les pages de la section « s’éduquer » présentent des questions courantes et des réponses simples afin de désamorcer rapidement des situations potentiellement tendues. Ces textes ont été rédigés par les membres du comité Diversité en jeu. Elles ont ensuite été présentées à d’autres personnes dans nos réseaux issus des communautés concernées. L’idéal est toujours de consulter un grand nombre d’individus et de groupes, tout en tenant compte des disponibilités et difficultés de chacun-e. Ce processus demande un certain temps et il est toujours perfectible; n’hésitez pas à nous contacter au diversite-en-jeu@gmail.com si vous avez des questions ou des remarques à propos des textes que nous avons mis en ligne.
Deuxième étape : la balle est dans votre camp! Il s’agit d’encourager les enseignant-es, étudiant-es, responsables de studios, travailleurs et travailleuses de différents corps de métiers à consulter les ressources que nous avons créées et les liens vers des ressources externes intégrées au sein de toutes les pages. On y retrouve même des suggestions de jeux, de films, de séries TV qui abordent ces enjeux de manière intéressante. Tous ces apprentissages peuvent se faire dans le plaisir. Notre objectif est même de rendre ces derniers « cool » et contagieux.
Ces pages misent sur une réalité toute simple : au-delà de la division rendue hyper visible à l’ère des médias sociaux, une écrasante majorité veut simplement bien faire les choses et aller de l’avant. Par exemple, comme le soulignait le chef Picard en septembre 2021, un sondage récent démontre que 76% des Québécoises et des Québécois désirent poser des gestes contre le racisme. Nous espérons que les outils fournis sur ce site aideront non seulement les lauréats et lauréates du concours Diversité en jeu et les studios partenaires qui accueilleront les stagiaires, mais aussi l’ensemble du secteur, à s’ouvrir à la richesse des communautés qui partagent la passion du jeu vidéo.
Je suis gestionnaire dans un studio, un milieu d’apprentissage, etc., et j’aimerais reprendre vos ressources ou alors créer des ressources similaires. Comment procéder?
En ce qui concerne les ressources que nous avons créées : nous vous invitons à nous contacter pour nous dire dans quel contexte vous aimeriez intégrer ces outils. Nous aimons toujours prendre contact avec des organismes ou individus qui font la promotion d’objectifs similaires. Autrement, les outils que nous avons mis en place sont disponibles pour tout le monde, il suffit de créer un hyperlien et de bien indiquer la source.
En ce qui concerne la création de ressources similaires : est-ce que vous faites partie d’une ou de plusieurs des communautés que vous voulez représenter ou aider? Si la réponse est non, il faut toujours chercher à consulter des gens issus des communautés avant même de réfléchir à la façon de les aider ou de raconter leur histoire. Ces démarches sont encore plus essentielles si la communauté en question a subi une forme d’oppression, par exemple au profit de puissances coloniales européennes. Ces prises de contact peuvent prendre un certain temps, mais le contexte technologique actuel facilite grandement le processus : de nombreux organismes possèdent un site web, une page sur divers médias sociaux, etc.
Il faut également comprendre que ces personnes sont sursollicitées et qu’elles ne seront peut-être pas disponibles sur-le-champ pour vous rencontrer. Plusieurs œuvrent au sein du milieu communautaire et ne bénéficient pas d’une sécurité d’emploi ou d’horaires flexibles. Dans un monde idéal, vous devriez pouvoir rémunérer ces gens pour leur expertise dans le cadre du processus de consultation, et il ne faut pas hésiter à mentionner cette possibilité.
En somme, il s’agit de se renseigner, de prendre le temps de se familiariser avec des initiatives similaires, d’écouter vos consultant-es et de bien évaluer les besoins de votre organisation. En fonction de ces derniers, il pourrait être souhaitable d’embaucher une ou plusieurs personnes issues des communautés afin de prendre ces responsabilités. Nous avons tendance à sous-estimer tout le travail requis pour bien communiquer les informations, gérer les éventuels conflits et assurer la bonne entente au sein d’un groupe. Il est essentiel que tout le monde qui contribue à nos milieux de travail bénéficie d’un environnement respectueux. Nous espérons que les ressources fournies par Diversité en jeu vous aideront à amorcer le processus.