La communauté LGBTQ+
La diversité des orientations sexuelles et des identités de genre peut sembler complexe au premier abord, et ce même pour des personnes qui s’identifient à l’une ou l’autre des lettres de l’acronyme LGBTQ+. Ces réalités sont de mieux en mieux documentées, mais plusieurs demeurent méconnues ou mal comprises au sein de la population.
Par exemple, saviez-vous que plusieurs corps humains (entre 1% et 3% selon les études) possèdent des traits physiologiques intersexués, c’est-à-dire associés à la fois aux hommes et aux femmes? Dans l’enquête de Trépanier-Jobin réalisée auprès de 1665 membres de l’industrie, 5% des gens se sont identifiés comme trans, non-binaires ou fluides, et près de 25% ne sont pas simplement hétérosexuels.
Face à cette complexité, tout le monde apprend à un rythme différent. Il n’est pas étonnant de commettre quelques faux pas, à l’occasion, dans nos interactions avec les membres de ces communautés. Un peu d’humilité et d’ouverture d’esprit suffiront souvent à désamorcer une situation tendue. Certains membres de la communauté LGBTQ+ vivent encore beaucoup d’exclusion ou même du harcèlement. Mieux vaut écouter chaque personne pour essayer de comprendre ses préférences et les façons de l’aider à se sentir accueillie au sein d’un groupe. Ne pas tout connaître n’est pas une faute, c’est une réalité pour tout le monde. Idéalement, nous aurions tous plus de temps pour nous renseigner sur ces réalités complexes.
Il existe plusieurs versions de l’acronyme qui réunit les diverses orientations et identités de genre, comment s’y retrouver?
L’acronyme LGBTQ+ est encore largement utilisé, le « + » évoquant les autres réalités que des versions plus longues de l’acronyme rendent visibles.
L’acceptation des gays et lesbiennes au Québec a fait des progrès considérables, mais la transidentité demeure méconnue et source d’exclusion. Peu importe l’orientation sexuelle ou le sexe attribué à la naissance, certaines personnes se reconnaîtront dans l’un des pôles de la binarité de genre traditionnelle (homme ou femme). Un grand nombre de personnes rejettent spontanément cette binarité lorsqu’iels ont l’occasion de s’exprimer librement sur le sujet (nous aborderons la question de pronoms et de l’écriture inclusive plus bas). Le terme « queer » exprime cette non binarité. Un peu comme le mot qui commence par N, il était utilisé à l’origine comme une insulte et il a été réapproprié par certains membres de la communauté (et donc idéalement on fera attention de ne pas l’utiliser n’importe comment).
On retrouve aussi de nouvelles déclinaisons, par exemple 2SLGBTQIA, qui démontrent en un coup d’oeil la diversité des réalités humaines en lien avec la sexualité et l’identité de genre (et du même coup, les lacunes de l’éducation qui nous est fournie collectivement par rapport à ces réalités). Fait intéressant : l’ordre des lettres est souvent réfléchi et reflète certains aspects de l’histoire et de la culture de ces communautés. Le « L » a été priorisé dans l’acronyme original pour souligner l’effort de soutien des lesbiennes au moment de la crise du sida qui a terrassé la communauté dans les années 1980-1990. Aujourd’hui, le fait de prioriser « 2S », pour bispirituel, permet de rendre visible une autre réalité méconnue : de nombreuses Premières Nations admettaient parfaitement que certains de leurs membres ne pouvaient se reconnaître dans la binarité homme / femme et valorisaient l’expression de ces réalités au sein de leurs cultures.
Certaines personnes affichent leur préférence de pronoms, incluant de nouveaux pronoms non-binaires comme « iel », ou emploient des formulations plus inclusives. Devons-nous changer notre façon d’écrire et de parler?
Certaines communautés encouragent leurs membres à afficher leurs pronoms privilégiés afin d’envoyer un signal amical. Il s’agit d’indiquer aux personnes qui ne cadrent pas facilement avec les normes sociales qu’elles peuvent divulguer cette partie de leur identité de manière sécuritaire. Ce type de mesure demeure facultatif. Certaines personnes reçoivent encore aujourd’hui des questions et des commentaires inappropriés ou humiliants, et donc personne ne devrait être tenu de révéler publiquement son identité de genre.
De plus en plus de gens intègrent des éléments de l’écriture inclusive dans leur façon de parler ou d’écrire. Par exemple, on peut utiliser de nouveaux pronoms qui désignent l’ensemble des identités de genre comme « iel », présenter les noms masculins et féminins pour diverses occupations (« les joueuses et les joueurs ») au lieu de simplifier par l’emploi prétendument universel du masculin, etc. Des formes plus synthétiques émergent également (« joueur-euse », « créateurice »). Encore ici, ces pratiques doivent être perçues comme une sorte de signal amical envoyé de manière ponctuelle par certaines personnes; il n’existe pas de nouveau standard imposé de manière rigide.
Personne ne s’attend à ce que le langage inclusif soit pratiqué en tout temps et à la perfection. Le français est une langue qui repose sur l’accord de genre à plusieurs niveaux et même les personnes non-binaires ont parfois de la difficulté à s’y retrouver, surtout à l’oral. Ceci dit, vous serez étonné de constater l’impact positif de l’utilisation occasionnelle de ces pronoms ou formulations plus inclusives au sein de votre organisation.
Aux toilettes, je croise un-e collègue dont l’expression de genre ne correspond pas à mes attentes et/ou aux normes sociales imposées par les pictogrammes « homme » et « femme » affichés sur la porte. Que faire?
Ne paniquez pas, votre identité de genre est saine et sauve et ne sera pas remise en question par cette présence incertaine. Soulignons d’abord l’évidence : ce qui se trouve dans les pantalons de vos collègues ne vous concerne pas. Parions également que ces adultes majeurs sont en mesure de choisir la salle de bain qui leur convient le mieux et qu’ils n’ont pas besoin de votre intervention pour se réorienter.
Plusieurs organisations intègrent maintenant des toilettes non genrées afin d’éviter une situation qui peut devenir tendue et désagréable pour les personnes qui ne correspondent pas parfaitement aux attentes de la société au niveau de l’expression du genre. La convention des toilettes distinctes est si bien ancrée que l’on a tendance à oublier qu’il n’est pas particulièrement utile ou même logique de révéler son identité de genre à chaque fois que l’on doit faire ses besoins. Heureusement, l’équipement prévu pour la tâche fonctionne de la même façon dans la plupart des salles de bain (et c’est sans doute pourquoi tout le monde possède chez soi une salle de bain… non genrée!)
Avec toutes ces nouvelles informations, j’ai peur de commettre un faux pas en abordant certain-es de mes collègues. Est-ce que je devrais éviter d’engager le dialogue pour ne pas blesser les gens?
Absolument pas. Il ne faut pas avoir peur de parler avec vos collègues dont l’expression de genre vous paraît atypique. Abordez-les comme n’importe quelle autre personne dans un contexte professionnel : vous avez par définition un grand intérêt en commun (le jeu vidéo), vous travaillez sur des projets similaires et vous évoluez au sein de la même communauté.
La plupart des gens issus des communautés trans, intersexe ou ‘genderqueer’ ont appris depuis très longtemps à vivre avec les maladresses, notamment le fait de se faire mégenrer. Il est possible qu’une personne soit agacée par l’accumulation des maladresses ou lorsqu’elle traverse une journée particulièrement difficile (ce qui arrive à tout le monde). Les conflits émergent surtout lorsqu’une personne se fait systématiquement mégenrer malgré une préférence clairement exprimée, ou en présence d’harcèlement de la part de certains collègues. Encore ici, quelques signaux amicaux de la part du milieu et des individus peuvent faire une grande différence.
Si vous avez des questions par rapport à ces identités et que vous n’arrivez pas à trouver de réponses facilement par vous-même, vous pouvez aborder le sujet avec un ou une collègue qui s’identifie à l’un ou l’autre de ces groupes. Comme pour tout, il s’agit de s’y prendre de manière respectueuse. Par contre, il faut comprendre que certaines personnes n’auront pas l’énergie ou le temps de vous répondre; vivre avec une identité de genre ou une orientation sexuelle qui ne correspond pas aux normes peut devenir épuisant. Une réponse négative n’est pas nécessairement un jugement sur votre personne ou votre approche.
J’essaie de garder l’esprit ouvert, mais je ne comprends pas pourquoi on doit se donner tout ce mal.
Le changement des normes et de nos habitudes requiert toujours du temps et de l’énergie. Ces efforts vont provoquer des réactions très négatives chez certaines personnes, surtout lorsqu’ils ou elles n’ont jamais été confrontés à ces enjeux.
Nous ne pouvons pas fournir, dans le cadre de cette page, l’ensemble du portrait qui permettrait de bien expliquer le caractère essentiel des mesures et signaux amicaux qui visent une inclusion plus respectueuse de la communauté LGBTQ+. Rappelons dans un premier temps que malgré la réputation d’une industrie vidéoludique dominée par les hommes hétérosexuels, l’étude de Trépanier-Jobin révèle que 5% des répondant-es s’identifient comme trans, non-binaires ou fluides, et près du quart déclare ne pas être simplement hétérosexuel.
Rappelons également que les sociétés qui maintiennent une distinction forte au niveau du genre, notamment à partir de celui qui est assigné à la naissance, sont confrontées à une épidémie de souffrance humaine. Plusieurs études sur les problèmes sociaux et les taux de suicide alarmants au sein de la communauté LGBTQ+ le démontrent de manière évidente. Les « grands changements » qui peuvent être perçus de manière négative correspondent en fait à quelques mesures faciles à implanter, ou à des comportements à éviter.
Pour continuer à apprendre
En quelques minutes:
- La capsule vidéo ‘Les blessures quotidiennes de la transphobie‘, sur le site du Devoir.
- Témoignage de Clémence pour la série La tête haute de FranceTV Slash
- Sorties clandestines à Montréal dans la série Montréal, la nuit (1940 – 1960) de l’encyclopédie Mémoire des Montréalais
- Assignée garçon, une websérie de Sophie Labelle
- Entretien avec Bretten Hannam, réalisateur du film Wildhood, mené par Yves Lafontaine pour le magazine Fugues
- La non-binarité n’est pas un pizzaghetti, un vidéo réalisé par Les Brutes
- LGBT Video Game Archive
- Le lexique de la fondation Émergence, ainsi que la formation pour les allié-es.
Pour le plaisir:
- A Year of Springs, une série de jeux créée par npckc
- C.R.A.Z.Y, un film réalisé par Jean-Marc Vallée, 2005
- Dys4ia, un jeu créé par Anna Anthropy, 2012
- Feel Good, une série réalisée et interprétée par Mae Martin, 2020, disponible sur Netflix
- Féminin féminin, une websérie créée par Chloé Robichaud et Florence Gagnon, 2014, disponible sur ICI.tou.tv
- Il était une fois dans l’est, un film réalisé par André Brassard d’après les écrits de Michel Tremblay, 1973, disponible sur Elephant – mémoire du cinéma québécois
- Laurence Anyways, un film réalisé par Xavier Dolan, 2012, disponible sur Netflix
- Rainbow Billy – The Curse of the Leviathan, un jeu créé par le studio montréalais Manavoid entertainment, 2021
Lectures suggérées:
- Laurent McCutcheon et la révolution gaie et lesbienne du Québec de Denis-Martin Chabot, éditions de l’Homme, 2020, 240 pages
- Modèles recherchés : l’homosexualité et la bisexualité racontées autrement de Robert Pilon (ex président du GRIS-Montréal), Guy St-Jean éditeur, 2015
- The Queer Games Avant-Garde. How LGBTQ Game Makers are Reimagining the Medium of Video Games de Bonnie Ruberg, Duke University Press, 2020, 276 pages
- Victory – The Triumphant Gay Revolution de Linda Hirshman, Harper Perennial, 2013, 464 pages